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« Tu vas devoir penser comme un poisson! »

Super! Mais pourquoi, à la veille de mon inauguration tant attendue de la pêche à la ligne — mon mari, mon compagnon de pêche de toujours, père de nos deux enfants, et chef personnel — as-tu décidé que c’est le meilleur moment pour me divertir avec l’une des tes déclarations notoirement dénuées d’humour ?

« Tu veux que je fasse quoi ? » demandai-je, déconcertée.

Malgré mon agacement, mon introduction à pêche a eu lieu dans l’intimité du lac Rond, un plan d’eau parfaitement préservé situé dans les régions sauvages éloignées du nord du Québec, où j’ai rapidement commencé à pratiquer le lancer de ma ligne, qui s’est finalement emmêlée dans les débris du fond du lac. Imaginez mon état physique et émotionnel après avoir réalisé que l’enchevêtrement que j’avais ressenti était en fait la prise d’une truite mouchetée bien accrochée et frétillante de 4 livres et demie, 20 pouces de long (pesée honnêtement et mesurée avec précision), immédiatement baptisée Monsieur First Fish!

Monsieur First Fish était d’une turbulente beauté — tellement que Philippe avait galamment prévu le décrocher de l’hameçon à la main. Ceci étant dit, il a rapidement changé d’avis lorsque Monsieur First Fish et lui se sont échangé un regard. Mon compagnon de pêche de toujours m’a avoué plus tard que lorsqu’il a vu la taille de Monsieur First Fish, il a su que l’utilisation d’un grand filet permettrait un déplacement plus sûr de mon précieux trophée, compte tenu du risque toujours présent que celui-ci s’évade.

Dès que j’ai eu cessé de trembler, et dès que mon esprit eut cessé de s’emballer, j’ai enfin pu reconnaître que mon exploit était effectivement remarquable : en fait, surtout parce que Philippe n’arrêtait pas de le répéter! Il s’est extasié sur l’infaillibilité de la chance des débutants et sur le fait qu’il aurait lui-même adoré faire une prise incroyable lors de sa toute première expédition de pêche (ou à n’importe quel autre moment en fait). Avant que nous n’accostions notre chaloupe, mon mari, généralement le genre de personne à « laisser les détails pour la dernière minute », avait déjà fait des plans pour la séance photo qui documenterait à jamais mon accomplissement. Ayant mérité ma place sur le podium des finalistes de la pêche, je me suis permis de me laisser guider à travers les traditions du protocole "post-capture".

Je me suis émerveillé de la vitesse à laquelle tout s’était déroulé, et je me suis vivement rappelé mes tentatives incessantes pour faire atterrir ma ligne aussi près que possible d’un rocher en saillie — un exercice qui, je l’espérais, libérerait mon lanceur de précision intérieur — puis ça a mordu ! Philippe a continué à vénérer mes prouesses et m’a interrogé davantage sur ma technique. « Si j’étais un poisson,  expliquai-je, je riposterais si quelque chose continuait d’envahir mon espace — à côté d’un rocher, par exemple — et tenterais de mettre un terme à l’appétissante provocation! »

« Ah ha », s’exclama triomphalement mon chef personnel, « tu as pensé comme un poisson, je le savais! » Par la suite, il s’est mis à me présenter les délicieuses recettes qu’il avait déjà imaginées pour Monsieur First Fish et moi-même.