Autrefois appelée Ceylan, l’île de Sri Lanka est située au large du sud-est de l’Inde, sur la grande route maritime des épices qui reliait jadis l’Extrême-Orient et l’Occident. Les anciens marins y faisaient escale pour acheter la véritable cannelle de Ceylan, qui jouissait déjà d’une réputation enviable par rapport à la casse (ou «fausse cannelle») de Chine.
Au cours des siècles, les contacts entre les royaumes bouddhistes de Ceylan et le reste monde se sont développés et maintenus, surtout grâce à la position privilégiée de l’île sur la route des épices. Des liens se sont tissés vers l’est, avec les autres royaumes bouddhistes de l’Indochine, mais aussi vert l’ouest, avec l’Inde et les pays occidentaux.
Les épices jouent une rôle primordial dans la cuisine du Sri Lanka et si les mélanges qu’on y retrouve peuvent rappeler ceux du sud de l’Inde, ils sont aussi relevés par des ingrédients évoquant l’Extrême-Orient, comme la citronnelle, la feuille de pandan et le poisson séché. Cependant, c’est le piment importé par les Portugais qui a le plus fortement marqué la cuisine du pays. Bon nombre de plats sont d’ailleurs d’un rouge vif tant ils en contiennent. Ces caris rouges endiablés faits d’épices, d’herbes, de condiments et de piments venus d’un peu partout sont l’emblème de la cuisine sri lankaise. Sur l’île, le mot curry (terme introduit par les Anglais) ne désigne pas tant un type de plat spécifique, mais à peu près tout plat préparé à partir d’un mélange d’épices. Les caris du Sri Lanka sont assemblés selon une multitude de recettes, comme on le fait en Inde avec les masalas.
On divise les caris sri lankais en trois grandes catégories: les rouges, très piquants; les noirs, très aromatiques; les blancs, doux et crémeux. Les caris noirs sont composés d’épices que l’on fait griller dans une poêle chaude jusqu’à ce qu’elle soient brunes et bien rôties. On s’en sert comme base dans de nombreux plats, mais aussi comme on fait avec le garam masala indien, pour rehausser une recette dans les dernières minutes de sa cuisson ou comme garniture sur les plats. Les caris blancs, à base de lait de coco, sont en fait souvent jaune pâle car ils peuvent contenir un peu de curcuma. Ce sont les mélanges qui se rapprochent le plus de ceux de l’Inde, avec ceci de différent qu’ils sont aussi souvent composés d’herbes d’Asie du sud-est. Par ailleurs, les caris blancs portent souvent le nom de l’épice principale qui les caractérise: cari au poivre, par exemple, cari à la coriandre ou encore cari au fenugrec.
Les épices servent aussi à aromatiser les légumes étuvés. La cuisine du Sri Lanka est particulièrement remarquable pour ses combinaisons inattendues de saveurs et d’ingrédients. On y prépare, entre autres, des caris d’ananas, de gousses d’ail entières, de mangues, de fleurs de bananier. Plusieurs autres caris sont composés de légumes qu’on n’associerait pas d’emblée au Sri Lanka, que les planteurs de thé écossais ont jadis importés: poireaux, chou frisé et betteraves, pour ne nommer que ceux-là. Ce sont d’ailleurs ces recettes à base d’ingrédients typiquement occidentaux qui sont souvent les plus inspirantes. Elles démontrent avec éloquence comment il est possible de relever sa cuisine simplement, sans avoir sous la main une foule d’ingrédients exotiques.