Si les diverses cuisines qu’on trouve au Moyen-Orient font un usage généreux d’épices, elles ne sont en revanche pas reconnues pour être très piquantes. On y utilise toutefois certains piments, et il n’est pas surprenant que le plus populaire d’entre eux provienne de la région d’Alep, en Syrie. Cette ville, longtemps une halte importante de la route de la soie, a toujours été connue comme un marché privilégié pour les épices, mais aussi comme un centre d’innovation culinaire. Il est donc tout naturel que le fameux piment d’Alep ait fait son chemin, grâce aux marchands, jusque dans les cuisines des pays avoisinants.
Souvent nommé piment halaby ou piment turc, le piment d’Alep est généralement broyé en flocons, et il relève les kebabs, les shawarmas, l’hummus, la fattouche et une foule d’autres plats emblématiques des diverses cuisines du Proche-Orient.
Les piments sont tous originaires de l’Amérique, mais celui-ci a trouvé en Syrie un terroir idéal. Grâce au sol et au climat semi-aride du plateau syrien, le piment d’Alep a développé une chair d’un rouge foncé, fruitée et presque sucrée. Son goût unique, emblématique de la cuisine de son pays d’origine, vient aussi du fait qu’on y ajoute un peu d’huile et de sel après l’avoir fait sécher au soleil.
La mouture des flocons de piment d’Alep est généralement plutôt grossière, mais toutefois plus fine que celle de piments en flocons italiens. Son goût a quelque chose d’à la fois sucré et salé, et son parfum rappelle le poivron, la tomate séchée les fruits secs. Peu piquant, on peut l’utiliser dans presque tous les types de plats.
La ville d’Alep est l’une des plus anciennes au monde et sa cuisine est tout aussi riche que sa culture. Au fil du temps, et sans doute grâce à la passion de certains horticulteurs et chefs-cuisiniers, le piment d’Alep est devenu l’un des fiers piliers de cette cuisine séculaire. Malheureusement, depuis quelques années, la guerre fait rage au pays et nombreux sont ceux qui décident de chercher asile ailleurs. Durant près de quatre ans, nous avons complètement perdu la trace d’Abdul, notre fournisseur d’épices en Syrie. Nous avons été très soulagés de recevoir de ses nouvelles, l’an dernier, et d’apprendre que sa famille et lui avaient trouvé refuge à Istanbul, en Turquie.
Trouver un remplaçant digne de ce nom pour le piment d’Alep n’est pas une tâche si simple. Le piment cultivé en Syrie n’est bien entendu plus disponible, mais celui qu’on produit en Turquie, près de Gaziantep, est assez similaire. Le piment Maras et le piment coréen peuvent aussi servir de substituts, même si leur saveur n’est pas exactement la même.
De toutes les épices qui garnissent nos tablettes, le piment d’Alep demeure l’un de ceux vers lesquels nous nous tournons le plus souvent. Que l’on prépare un classique de la cuisine ottomane comme le Menemen ou un simple pâté chinois, ce piment transforme littéralement le plus banal des plats en quelque chose de savoureux.